Un évêque, un député… « unis contre l’argent roi »

Leborgne - Ruffin

« celui qui croyait au Ciel, celui qui n’y croyait pas, quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat, fou qui songe à ses querelles, au cœur du commun combat » Aragon, La rose et le réséda

Montée des intégrismes, de l’individualisme, perte de sens chez les jeunes et d’espoir en la politique, dignité de la personne humaine, écologie… Ces communs combats, le MRJC y tient et compte bien, en questionnement permanent et malgré les pavés dans la gueule, le mettre en avant ! Sur ces sujets et bien d’autres, nous pensons que l’Église et la politique doivent se parler, afin de pouvoir agir ensemble pour bâtir une société de paix.

Ce lundi de Pâques, 2 avril 2018, s’est donc tenue à Amiens, dans une salle comble (près de 300 personnes présentes et une cinquantaine refoulé.e.s par manque de places), une conférence entre Mgr Olivier Leborgne, évêque du diocèse d’Amiens, président de la commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat à la CEF, et M. François Ruffin, député  « La France Insoumise de la Somme », rédacteur en chef de  « Fakir » et réalisateur de « Merci Patron ». Organisée par la section locale du Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne, cette conférence avait pour thème « de la paix intérieure à la paix sociale ».

L’objectif sur la forme ? Faire se rencontrer des acteurs incontournables du département, dans une rencontre publique inédite, en les faisant parler sur le sujet de prédilection de l’autre.

L’objectif sur le fond ? Créer un espace pour exprimer notre rapport au Christ et notre rapport à la politique. Montrer que l’Église et la gauche ont des choses à se dire, loin des clichés que l’on peut entendre régulièrement, et que chacun a à apprendre de l’autre. Cette rencontre est donc en elle-même, vectrice de paix, le public étant autant composé de militants de gauche que de catholiques convaincus, et parfois même les deux en même temps. Elle s’inscrit dans le cadre d’un partenariat avec les « Éditions du Temps Présent », puisqu’un livre, reprenant notamment cette conférence, sortira le 8 juin 2018.

S’ils la vivent bien différemment, les deux protagonistes ont longuement évoqué leur rapport à la spiritualité : Pour François Ruffin, le Christ est un « mythe » comme l’est également Jaurès par exemple. Ces mythes permettent de se construire. Il ajoute « mon Christ, c’est celui qui chassa les marchands du temple », même s’il avoue avoir des difficultés avec la spiritualité, notamment à cause de la violence du monde politique. Pour Mgr Leborgne évidemment, et encore plus en ce jour de Pâques, « le Christ est un symbole d’Espérance » et l’Église a quelque chose à dire, même si « les catholiques ne sont pas à la hauteur de l’Évangile qu’ils proclament ».

Concernant la paix sociale, même s’il conteste la notion même de « paix’, François Ruffin a notamment rappelé ses différentes luttes (EPHAD, secret des affaires,  salariés de Whirlpool…). Pour lui, face à l’argent roi, on ne peut qu’être en colère et lutter face aux injustices. Mgr Leborgne a insisté sur l’engagement de l’Église envers les migrants et sur le fait que l’Évangile « ce n’est pas une parole mièvre et molle, la vérité peut être dure, le Christ l’a bien rappelé ».

Sur la jeunesse, sujet évidemment cher au MRJC, ils ont tous les deux insisté sur la nécessité de l’engagement. « allez-y foncez ! » nous a dit Mgr Leborgne. Pour François Ruffin « quand 2 ou 3 sont réunis pour faire de la politique, ils font vivre la démocratie ».

Cette conférence a donc permis de créer un espace de débat et de dialogue entre deux entités qui ont plus de choses en commun qu’elles ne peuvent le penser, à commencer par leurs idéaux, qui donnent la première place à l’homme et non à l’argent, aux pauvres et non au profit. Deux entités qui veulent contribuer à changer la société, à redonner de l’espérance. Force est de constater qu’elles ont chacune, de quoi y arriver.

Il est bon de rappeler une chose essentielle ! Taxer tel ou tel croyant de « gauche ou de droite » n’a pas de sens. La foi influence nos valeurs politiques, mais il n’existe pas de « vote chrétien » et encore heureux! Dans un monde médiatique où le dialogue est crucifié d’avance par les préjugés des interlocuteurs étiquetés, untel au front national donc fasciste, à gauche donc communiste, à droite donc riche… L’Église résiste. Elle est aujourd’hui un lieu où se croisent encore, dans la communion, des personnes de tous horizons sociologiques, et où malgré toutes les difficultés, échangent des individus bien différents.

Alors ? Pourquoi ne pas construire ensemble un monde écologiquement, socialement et économiquement viable ?

Adrien Louandre et le MRJC Somme