Relecture des 5 écoutants de la session ‘Présence et proximité’


Anne Vaxelaire, référente écologie intégrale, diocèse de Metz
…« Comment être des disciples missionnaires ? » et « Comment faire des disciples ? »…

Margot Chevalier, CMR, région Nantaise
…vrai plaisir de se retrouver, de se parler, de se sourire, de partager…

Olivier Becker, prêtre du diocèse de Strasbourg, responsable du Prado Rural
…Les thèmes de la présence et de la proximité sont importants dans ma vocation de prêtre et la joie d’être chrétien…
Paul Sarassat, équipe nationale du MRJC
…Nous avons questionné la présence que nous pouvons avoir pour les autres, mais aussi la présence du Christ parmi nous…

Jean-François Penhouët, prêtre de la Mission de France, aumônier de la Cité Saint-Pierre à Lourdes
…Quelques réflexions autour du mot « Désert »…

Anne Vaxelaire, référente écologie intégrale, diocèse de Metz

Lors de la première journée, nous avons vécu trois temps en petits groupes qui ont permis d’échanger et de nous questionner. Plusieurs questions sont revenues à la suite du partage autour des Evangiles : « Comment être des disciples missionnaires ? » et « Comment faire des disciples ? »
Beaucoup d’éléments de réponse ont été évoqués : nécessité de rentrer en dialogue avec le monde, d’ « avancer au large », d’ « évitez les cloisonnements ». Il nous apparaît essentiel d’aller à la rencontre, de rejoindre les personnes là où elles sont. Cela peut se traduire par divers engagements dont les engagements associatifs et le fait de s’investir sur le territoire. Importance également de partager des activités ensemble car ces moments partagés permettent de créer du lien et d’apporter de la joie. Nous avons également tous décelé une soif de spiritualité, un besoin de sens chez les jeunes. Un prêtre présent dans le groupe a indiqué qu’en tant que chrétiens, il nous fallait être « des sourciers » pour ces jeunes, « être des révélateurs de l’Esprit Saint ». Un autre prêtre a également indiqué qu’il fallait « passer de la pastorale de l’encadrement à la pastorale de l’engendrement », précisant qu’ « il faut passer de la pastorale de la cloche à la pastorale de la sonnette ».
Une deuxième question s’est donc naturellement imposée à nous, comment rejoindre tout le monde ?
Il nous semble important de nous adapter par rapport aux différentes réalités du terrain et de faire des propositions mais surtout de ne pas imposer des choses. L’important est de faire ensemble, de construire des projets ensemble, de co-construire. C’est justement dans cet état d’esprit que l’on tend à développer le Label Eglise verte. Ce Label s’adresse aux communautés chrétiennes qui veulent s’engager pour le soin de la Création (c’est un outil qui était initialement à destination des paroisses et des églises locales mais qui a évolué et qui s’adresse désormais également aux œuvres, mouvements, associations, monastères, établissements chrétiens, familles et jeunes).
Avec les communautés engagées dans la démarche Eglise verte, nous organisons des journées (particulièrement lors du Temps pour la Création du 1er septembre au 4 octobre) où nous ouvrons nos églises à l’extérieur en organisant des événements autour des questions écologiques, en lien avec des associations locales engagées dans la protection de l’environnement, des acteurs de la transition écologique et de l’économie sociale et solidaire, des mouvements, des maraîchers, des apiculteurs…  Nous essayons de nous intégrer dans des choses qui se vivent déjà et de créer du lien avec les acteurs locaux du territoire. L’idée est d’accompagner de manière durable, d’être en réseau pour mener des actions et s’encourager. Enfin, l’aspect relationnel apparaît central : « La relation humaine c’est de l’art et de l’artisanat » (P. François Cassingena-Trévedy). On se rend bien compte de la nécessité de se relier à d’autres, notamment hors Eglise et d’être davantage en dialogue et en lien, notamment avec les acteurs du monde agricole qui prennent soin de notre Terre.

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Margot Chevalier, CMR, région Nantaise

Premier constat : J’ai ressenti un vrai plaisir de se retrouver, de se parler, de se sourire, de partager.
J’ai entendu : nécessité de réinventer et de se réinventer dans la transmission et la pratique de la foi.
Des jeunes ont soif de Dieu mais n’osent pas entrer dans les églises, comment aller à leur rencontre.
L’importance de se rencontrer, de faire du lien, de se voir en vis à vis.
Le lien social est une vrai question, si je calcule mes déplacements je ne vois plus mes amis !
Notre présence doit être : rencontre, affection, partage !
On ne saurait être présent au monde rural sans s’y incarner, en s’aidant corps et âme.
La Mission Rurale doit être ouvrière, comme une vie humaine, le christique doit être fondamental.
Pour croiser les vies et les cœurs il faut se dépouiller de tout prosélytisme.
Le rural attend qu’on lui rende visite pour lui-même.
Être avec Dieu, et Dieu est au milieu de nous, nous en sommes responsable: proximité est l’autre nom de Jésus.
J’ai entendu quelques désespoirs, mais malgré tout c’est l’espérance qui prend le dessus.

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Olivier Becker, prêtre du diocèse de Strasbourg, responsable du Prado Rural

Qu’est-ce que j’ai entendu durant cette session ?
Les thèmes de la présence et de la proximité sont importants dans ma vocation de prêtre et la joie d’être chrétien : il y a la joie que procure la présence du Christ, sa proximité avec nous. Ce sont des thèmes fondamentaux. Quelqu’un disait dans mon groupe que si on ne croit pas que Jésus est présent, on ne peut de toute façon rien faire en pastorale. Et il y a la joie pour le prêtre d’être présent à son peuple, de faire un tout avec les gens. Ma joie vient aussi de ce que des gens se font proches de moi, s’ouvrent pour un temps au prêtre que je suis, se présentent telles qu’elles sont parce qu’elles ont confiance au prêtre. Un certain nombre de chrétiens sont d’ailleurs souvent des personnes reconnues comme étant à l’écoute, à qui l’on peut se confier. Dans ces proximités humaines, le Christ est aussi présent, c’est la Présence dont parlait François Cassingena, une Présence qui nous dépasse.
Dans mon groupe de partage nous avons eu un débat sur l’évangélisation. Jusqu’où « aller vers », à l’opposé on a parlé d’enfouissement. Pour ma part, je dirais : Nous « allons vers » parce que nous en avons le désir, celui de rencontrer gratuitement. Ensuite il peut y avoir un retour éventuel, l’autre qui parle avec moi, et pourquoi pas de la foi. J’aime bien quand tout est lié, quand j’étais par exemple présent à une fête de personnes âgées et que lors de la préparation de ses funérailles un an plus tard la famille me dise d’emblée « Elle vous a vu l’an dernier à cette fête ».
Dans ma compréhension de la mission en rural, qu’est-ce qui se confirme, qu’est-ce qui se déplace ?
Dans nos paroisses, nous accueillons des demandes nouvelles, des gens s’approchent de l’Eglise par la porte que sont les messes puis demandent quelque-chose : depuis la rentrée plusieurs adolescents ont ainsi demandé à la sortie de messes « comment faire leur première communion ».
J’ai bien aimé l’idée de François Cassingena : arriver quelque-part sans idée préconçue. En pastorale lorsqu’on arrive quelque-part, attendre de voir les nouveautés par rapport à ce que j’ai connu.
François Cassingena vit une mission singulière, hors de nos cadres habituels. Les paroisses quant à elles sont organisées dans un certain cadre : équipes d’animations pastorales etc. Je pense que l’organisation relève aussi du royaume de Dieu. Je m’explique : il faut bien savoir qui fait quoi, renvoyer les demandes aux personnes idoines. J’aime bien que dans nos paroisses, nos villages, on sait que pour ceci il faut aller voir un tel. Et c’est un témoignage d’une vie d’Eglise où les responsabilités sont partagées, où l’on se connaît. J’aime contempler cela. Mais attention à garder aussi une souplesse dans ces organisations.
Claire Delfosse nous disait qu’il y a tout un discours sur le rural, on parle par exemple de déserts médicaux, déserts d’emplois etc. Mais le rural de France n’est pas un désert. Elle nous informait aussi que l’on a depuis peu des définitions positives du rural et non simplement par opposition à l’urbain. Pour moi une des spécificités du rural est que les gens sont souvent liés sur un même secteur, ils se connaissent ou sont en famille.
Quelles mises en œuvre ou prolongements, quels appels ?
Claire Delfosse nous disait l’importance d’informer sur ce qui se passe localement. Cela résonne avec une demande dans nos paroisses, que les croyants soient informés sur les différents événements. Cela m’invite à maintenir nos efforts pour éditer et diffuser un bulletin paroissial de qualité.
Chrétiens, nous apportons de l’espérance autour de nous. « Vous y croyez encore » me disait un jour une maire. Elle admirait sans doute un peu notre foi, mais surtout notre persévérance à essayer de faire le bien autour de nous. Notre union au Christ nous donne cette persévérance.

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Paul Sarassat, équipe nationale du MRJC

Je suis arrivé avec une certaine appréhension de l’espace, dans ce lieu fort où siège la Conférence des évêques de France, plus généralement la peur de me sentir seul. Mais au contraire, je me suis rendu compte que cet espace qu’est la Mission rurale était pleine d’amis et d’alliés du MRJC, qu’il s’agit d’un vrai espace de proximité. J’ai ainsi retrouvé des partenaires proches : Solidarité Paysans, Nature et Progrès, le CMR, l’ACE… entre autres.
Nous avons questionné la présence que nous pouvons avoir pour les autres, mais aussi la présence du Christ parmi nous. Pour cette présence, la forme n’est pas la même : de fait, nous ne pourrons pas être présents pour les autres, comme le Christ l’est pour nous. La métaphore agricole est toujours très présente dans les discussions, les échanges. Cela est d’autant plus pertinent que l’agriculture est un sujet très présent dans la Bible, à une époque où la plupart de la population travaille la terre.
Avec toutes les pincettes qu’il faut, pour éviter de paraître orgueilleux, nous avons fait le constat que Dieu passe à travers nous pour être présent aux autres. Nous sommes l’un des vecteurs pour porter l’Évangile. C’était ce que nous avions ressorti dans notre groupe de discussion hier. Et c’était aussi, je crois, le message de François Casingena ce matin : « La présence du Christ n’anéantit pas la nôtre. Au contraire, elle a besoin de notre présence au monde. Nous sommes les espèces eucharistiques de la présence du Christ. »
Notre présence, nous la vivons à travers notre engagement pour les autres, pour accueillir la souffrance, accompagner les malades, le deuil, mais aussi ce qu’il y a de plus joyeux, les baptêmes, les mariages. Au MRJC, nous accueillons les questionnements des jeunes sur leur place dans la société, leurs ambitions pour leur vie et pour le monde. Faire équipe, c’est être présents les uns pour les autres, pour écouter, partager et discuter librement de son propre cheminement spirituel et de ses envies pour le monde, et les porter ensemble en montant des projets. Paradoxalement, pour parler de présence et de proximité, nous avons dû pointer l’isolement. Nous sommes présents pour lutter contre la souffrance de ceux qui se sentent isolés. En rural, l’isolement peut se faire sentir de manière importante.
Enfin, j’ai relevé que la question de la fête est beaucoup revenue dans les discussions. La fête de la Saint Hubert avec les chasseurs, la fête de la Sainte Cécile avec les musiciens, les feux de la Saint Jean. Les fêtes de chaque Saint patron des villages. La fête de Noël, la fête de Pâques. Mais aussi les fêtes païennes, les comices agricoles, les conscrits. Et les fêtes historiques, le 14 juillet en premier lieu. Ces espaces de fête, où tout le village est présent, nous questionnent sur notre proximité. Comment faire Église, investir ces fêtes voir en être porteur. Garantir le vivre ensemble, la communion, le respect de toutes et tous. Au MRJC, nous travaillons sur cela cette année. En tant que jeunes, nous constatons des conflits de génération, notamment sur la musique. Nous porterons ce sujet notamment lors des Grandes rurales, le festival sur le thème de la Fête au village qui aura lieu en Anjou du 11 au 14 juillet 2025 auquel vous êtes tous conviés, et je vous invite d’ailleurs à relayer l’invitation sur vos territoires

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Jean-François Penhouët, prêtre de la Mission de France, aumônier de la Cité Saint-Pierre à Lourdes

– Quelques réflexions autour du mot « Désert »
Arrivant en Limousin il y a 45 ans, j’avais écrit en première impression: un espace déserté et désiré. Tout cela est donc une question de regard !
Désert, lieu déserté ! On pleure: « que des vieux! Pas de travail! Pas d’avenir… » ou bien , comme Charles ROUSSEAU, il y a 50 ans, on retrousse les manches: cet espace a des atouts: ses paysages, sa forêt, sa vie associative… On croit que des choses peuvent naître! Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est là-bas que sont nés « Télé-Millevaches », la première télé locale et que le premier synode diocésain s’est tenu à Limoges en 1985.
Désert, lieu désiré. Des gens viennent, reviennent y vivre, y travailler, s’y ressourcer. Quels besoins de stabilité, d’enracinement, de retrouvailles avec une vie simple, proche de la nature ? Le désert est un lieu de combat dans la Bible; il est aussi le lieu de la présence de Dieu et de la rencontre avec Lui.
– Les évolutions de la société résonnent dans la vie de l’Eglise. Je retiens deux mots: polyvalence et itinérance.
Polyvalence des services en rural, mais aussi pluralité des appartenances: on est rural pour l’habitat mais urbain pour les courses, le travail, la culture, les démarches administratives. Et pour la religion?
Itinérance: une Eglise qui « va vers » si on ne vient plus vers elle ! Il y a le bibliobus…mais aussi le « Fraternibus » du Secours Catho qui va lutter contre l’isolement et la pauvreté dans les campagnes profondes. Itinérance du ministère des prêtres aussi qui ne vont pas seulement « dire des messes et faire des enterrements un peu partout » mais « vivre avec » une communauté humaine pendant 8 jours, un mois…, écouter, rencontrer, prier, célébrer, proposer… Une autre forme d’itinérance que je rencontre à Lourdes, en particulier avec des jeunes de 30-35 ans qui s’arrêtent sur le chemin de Compostelle. Ils sont en itinérance professionnelle (ils ont quitté un métier qui les rémunérait bien, un confort) qui est aussi souvent une itinérance spirituelle. Ils sont allés parfois très loin sur des chemins délirants alliant religion, drogues et ils reviennent via des chemins qui peuvent nous déconcerter: les tradis, les évangéliques; la religion populaire, le chapelet… Comment accueillons-nous le besoin de sacré qui s’exprime ainsi et qu’en faisons-nous?
Le sens: qu’est-ce qui dynamise nos vies? Quel projet?
Pour l’Eglise, qu’est-ce qui fait signe? Quel projet mobilisant pour quelques chrétiens dans un village, pour un ou des  prêtres? Ce projet « réussira » s’il est modeste, s’il crée du réseau, du relationnel, du lien…
En même temps, se rappeler l’importance de la gratuité de la rencontre: Jésus se déplaçait de village en village; à certains endroits, il était accueilli; à d’autres, refusé. Il allait ailleurs…
Nous sommes là pour semer. D’autres récolteront, probablement? Mais Jésus nous dit d’abord que « la moisson est abondante ». Nous sommes là d’abord peut-être pour récolter ce que nos prédécesseurs ont semé, mais surtout ce que l’Esprit a mis dans le cœur de tout homme ou femme de bonne volonté. Il n’y a pas de désert spirituel!

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