Quelques glanages recueillis au Salon de l’agriculture
« Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » 1Co 12,25. Nous avons traversé les allées du Salon, habités par la colère et la souffrance du monde agricole. A la manière de Madeleine Delbrêl, j’ai recueilli quelques expressions et je me suis recueilli en en faisant la matière de ma prière.
Qu’ai-je entendu ? Qu’ai-je perçu à travers la crise et la colère ?
Retrouver du sens, de la dignité, bénéficier d’un minimum de reconnaissance.
Il y a le sens, mais aussi l’urgence : Que dois-je faire quand mon puits et ma trésorerie sont à sec ?
Sortir : sortir au lever du jour, sortir voir mes bêtes, sortir de l’isolement, sortir de l’endettement permanent, sortir me détendre avec les miens.
Est-on prêt à sacrifier le vivant ? Jusqu’où je suis prêt à me sacrifier ?
Du point de vue de l’Espérance, je suis dubitatif.
A titre personnel, je mettrai plutôt mon espérance dans un repeuplement des campagnes, un retour conséquent à la terre, avec une agriculture paysanne, biologique, fortifiée dans ses caractéristiques régionales relativisant sa visée exportatrice. Une main d’œuvre plus abondante, des fermes plus petites. Un peu de chimie, beaucoup de biologie. Vive les lombrics ! Une intervention moins systématique des machines. Des terres mises au repos pour se régénérer, le temps d’une jachère.
Mais on ne reviendra pas en arrière, me rétorque-t-on ?
Du point de vue de la Foi, des liens résonnent.
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- On a tous vu les pancartes des communes à l’envers, signifiant combien on marche sur la tête. Je les lis comme une revendication de dignité: remettre l’homme (et la femme) debout ! « Lève-toi et marche ! » Ce cri résonne dans ma tête et dans ma foi. Pour l’Eglise, comment être la voix qui reconnait la dignité des hommes et des femmes, qui les accompagne dans un relèvement ! N’est-ce pas cela que nous allons célébrer à Pâques ? Le Christ ressuscité, celui que Dieu a relevé d’entre les morts, celui que Dieu a remis debout et vivant.
- A quoi sert notre travail ?
Quel sens y a-t-il à semer si nous semons la mort par les pesticides, herbicides et fongicides ?
Quel sens y a-t-il à produire, si nous contribuons à l’effondrement de la biodiversité ?
Quel sens y a-t-il à élever des animaux si nous les considérons comme des objets sélectionnés ?
Quel sens y a-t-il à cultiver, si les terres sont consumées pour produire de l’énergie, solaire ou gaz ?
Semer est un acte de confiance ; prendre soin de la terre, la cultiver et la sauvegarder sont des actes de foi et de vie, enracinés dans l’Ecriture. Ils ont la passion de la terre, ils sont auprès du vivant. Et nous chrétiens, qui sommes les disciples du Vivant ressuscité, sommes-nous à l’écoute du vivant ?
- Fruit de la terre et du travail des hommes
A chaque eucharistie, nous honorons cette alliance fructueuse du travail et de la générosité du monde végétal. L’expression liturgique dit combien cette alliance des humains et de la terre est une bénédiction qui nous tourne vers Dieu. On devrait avoir les mains rongées par l’humus, les paumes rugueuses, les genoux douloureux pour oser dire une si profonde bénédiction.
- Comment prenez-vous du recul ?
La question a été magnifiquement posée par Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, aux dirigeants syndicaux. Hors du monde juif, le retrait du sabbat n’est plus d’actualité. Pourtant, il y avait une sagesse du repos. Repos de la terre (jachère) et repos du travailleur. On sait ce qu’est devenu le temps du dimanche, vidé de sa substance de recul, de repos et de gratuité. Une source, une nappe phréatique peuvent-elles se reconstituer si l’on ne cesse d’y puiser ? Comment retrouver la grâce du repos et ouvrir la porte au Seigneur qui vient et se donne ?
Arnaud Favart mars 2024
glanages spirituels au SIA
Salon de l’agriculture