L’Agriculture et la Foi Chrétienne au Regard des Écritures

La synthèse d’une conférence d’Alain Frémont, diacre du diocèse de Tulle, diffusée pour le collectif Lutte & Contemplation.

 L’agriculture dans les Écritures : Un lien profond avec la foi

La conférence débute par une exploration du rôle central de l’agriculture dans la Bible, illustrant comment, de la Genèse au Nouveau Testament, les activités agricoles symbolisent des thèmes spirituels fondamentaux et façonnent la vie sociale et religieuse du peuple hébreu. L’agriculture est présentée non seulement comme une nécessité économique mais aussi comme une pratique imprégnée de significations spirituelles, reflétant la relation entre Dieu, l’homme, et la création.

Ancien Testament : La Terre comme don sacré

Le récit de la création dans la Genèse, où Dieu est le premier à engager des actes d’agriculture, pose un cadre où la terre et tout ce qu’elle engendre sont considérés comme des dons sacrés de Dieu à l’humanité. En définissant l’agriculture non seulement comme une activité humaine mais aussi comme une vocation divine, nous découvrons un aspect fondamental de la relation entre Dieu, l’homme, et la Terre.

En attribuant à l’humanité le rôle de cultivateur et de gardien de la création, les écritures soulignent une responsabilité fondamentale : celle de prendre soin de la terre avec respect et gratitude. Cette responsabilité n’est pas perçue comme une charge, mais plutôt comme un privilège et une expression de la relation profonde qui lie l’homme à la création. L’agriculture, loin d’être une simple quête de subsistance, est imbriquée dans un tissu de relations spirituelles et éthiques qui confère à l’activité agricole une dimension sacrée.

 Les Lois et les pratiques agricoles : un modèle de durabilité et d’éthique

Les lois agricoles de l’Ancien Testament telles que le Sabbat agricole et l’année du Jubilé, démontrent une préoccupation pour le repos et la régénération de la terre ainsi que pour la justice sociale et économique. Ces pratiques soulignent un équilibre entre la production agricole et le respect de l’environnement, offrant des leçons intemporelles sur la durabilité et l’éthique dans la gestion des ressources naturelles.

 Le sabbat, pertinence contemporaine : vers une agriculture durable inspirée par la foi

La pertinence contemporaine du sabbat encourage une approche qui favorise la durabilité, la solidarité et le soin de la création. Les principes d’un repos périodique pour la terre, d’une gestion équitable des ressources et d’un engagement pour le bien-être collectif résonnent avec les défis actuels de l’agriculture durable et de la justice environnementale, invitant les chrétiens à intégrer leur foi dans leurs pratiques agricoles et dans leurs choix de consommation.

Ce constat réaffirme l’importance de l’agriculture dans le cadre de la foi chrétienne, non seulement comme un domaine d’activité économique mais aussi comme un espace privilégié de réflexion et d’application des principes chrétiens d’intendance, de gratitude, et de solidarité.

L’année du Jubilé : une révolution sociale et spirituelle

L’année du Jubilé est décrite dans le livre du Lévitique comme une période radicale de libération et de rétablissement de l’équité sociale tous les cinquante ans. Ce concept biblique réaffirme que la terre et ses habitants appartiennent à Dieu, en introduisant des mesures telles que la restitution des terres, la libération des esclaves, et l’annulation des dettes. Cette loi divine illustre non seulement une justice sociale avancée mais aussi un profond respect pour la création et la propriété divine de la terre, en écho aux thèmes contemporains de durabilité et de justice environnementale.

Implications contemporaines du Jubilé

L’analyse de cette pratique souligne la pertinence à adapter les principes du Jubilé dans notre contexte actuel, marqué par des inégalités croissantes et une exploitation environnementale « galopante ». L’idée de réinitialiser régulièrement l’économie pour prévenir la concentration excessive de la richesse ou de la propriété foncière et assurer un partage équitable des ressources, reflète une vision radicale de justice économique et sociale qui reste provocatrice et inspirante. La notion de Jubilé appelle à une réflexion sur notre rapport à la propriété, à la terre, et à nos responsabilités envers les plus démunis, en suggérant des modèles alternatifs de communauté et d’économie plus solidaires.

La Loi sur les moissons et la solidarité

La  loi sur les moissons, met en lumière une autre dimension de la justice sociale prescrite par la Bible. En commandant de laisser une partie des récoltes pour les pauvres et les étrangers, cette loi ancienne rappelle l’importance d’une répartition équitable des biens de la terre et d’une solidarité concrète avec les plus vulnérables. Cette pratique illustre une conscience aiguë de la communauté et du bien commun qui pourrait inspirer des pratiques agricoles et économiques plus inclusives aujourd’hui.

Les Psaumes : célébrer la Création et la Providence

L’exploration des Psaumes montre comment la gratitude et l’émerveillement devant la fertilité et l’abondance de la création sont des thèmes récurrents dans la louange biblique. Les Psaumes, avec leurs images puissantes de la terre nourricière et de la providence divine, invitent à une relation plus profonde et reconnaissante envers la nature, en résonance avec l’appel chrétien à l’intendance écologique.

 Fêtes bibliques et pratiques contemporaines

Les fêtes agricoles de l’Ancien Testament ne sont pas seulement des moments de célébration liés aux cycles agricoles, elles incarnent une dimension spirituelle riche qui lie la terre, la communauté, et Dieu dans un cycle de reconnaissance, de gratitude, et de responsabilité partagée.

Les fêtes de Pâques, des Semaines (ou Pentecôte), et offrent une perspective qui va au-delà de la simple production agricole pour englober une éthique de soin, de partage, et de justice environnementale et sociale. En partageant les bénédictions de la récolte avec les pauvres et les étrangers, les fêtes agricoles incarnent les valeurs de solidarité et de communauté qui sont au cœur de la foi chrétienne.

Les fêtes modernes liées à l’agriculture, telles que les Rogations, la Saint-Jean, et la Saint-Martin, montre comment ces principes anciens peuvent encore résonner dans nos pratiques contemporaines. Cela suggère des manières par lesquelles les communautés de foi d’aujourd’hui peuvent réintégrer une conscience des cycles naturels et de notre dépendance à l’égard de la terre dans leur vie spirituelle et communautaire.

L’utilisation des images agricoles par Jésus

Dans le Nouveau Testament, Jésus utilise fréquemment des images agricoles pour enseigner des vérités spirituelles profondes. Ces paraboles ne sont pas de simples histoires mais des outils puissants pour transmettre des leçons sur la moralité, la justice, la miséricorde et le royaume de Dieu. Les références à l’agriculture servent à illustrer des concepts tels que la croissance spirituelle, le jugement et le pardon, rendant les enseignements de Jésus accessibles et pertinents pour son auditoire de l’époque familiarisé avec le monde agricole.

 La Nature comme modèle spirituel

Jésus tout au long de son ministère, utilise l’agriculture et les éléments de la nature non seulement comme cadre pour ses enseignements mais aussi comme sources d’inspiration et modèles spirituels. À travers ses paraboles et ses actions, Jésus invite à contempler la création dans toute sa splendeur et à y voir le reflet de principes divins tels que l’équilibre, les cycles et l’interconnexion, nous enseignant l’importance de vivre en harmonie avec notre environnement et les autres êtres vivants.

L’acte de bénir est vu comme une expression fondamentale de gratitude et de reconnaissance de la sainteté de la création. Le geste de Jésus de bénir les aliments avant de les partager est présenté comme un modèle à suivre, rappelant que chaque élément de notre consommation est une partie de la création divine et le fruit du labeur humain. Cette perspective élargit notre compréhension de la spiritualité, nous incitant à reconnaître notre place et notre responsabilité au sein du réseau plus vaste de la vie.

La nature, avec ses cycles de vie, de mort et de renouvellement, est présentée comme un miroir des expériences humaines et un guide pour la transformation spirituelle. La solitude choisie par Jésus pour se reconnecter avec Dieu dans la nature est un appel à trouver dans le calme de l’environnement naturel un espace pour la méditation, la prière et l’écoute intérieure, soulignant comment la création peut nous rapprocher du divin.

Cette interconnexion entre la foi, la création et notre vocation à en prendre soin est finalement un appel à une spiritualité intégrée, qui reconnaît l’interdépendance de toute vie et cherche à vivre en harmonie avec la création.

La protection et le respect de la nature ne sont pas seulement des actes environnementaux mais se sont aussi des expressions profondes de notre foi et de notre spiritualité, comme le souligne l’appel du Pape François dans « Laudato Si' ».

« Laudato Si' » et l’appel à une conversion écologique

Pour finir, dans son encyclique « Laudato Si' », le Pape François élargit cette vision, appelant à une agriculture durable et à une consommation responsable qui reflètent les valeurs chrétiennes d’intendance de la création. Cette encyclique souligne l’urgence d’adopter des modes de vie qui sont respectueux de notre « maison commune » et qui favorisent le bien-être de toutes les formes de vie.

Elle rappelle également l’importance de la solidarité, de la justice et de la responsabilité dans notre approche de l’environnement et des ressources naturelles. Ce document souligne la relation interconnectée entre la pauvreté humaine et la dégradation environnementale, invitant à une approche holistique qui respecte à la fois les besoins des personnes les plus vulnérables et la santé de notre planète. Rappelant ainsi les principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Eglise

 

En définitive, la relation entre l’agriculture et la foi chrétienne, telle que présentée dans le Nouveau Testament et réaffirmée par des textes contemporains comme « Laudato Si' », offre une perspective profonde sur la manière dont notre spiritualité peut inspirer et transformer nos pratiques agricoles, environnementales et comportementales.

Cette vision intégrée appelle à une conversion écologique, où les principes chrétiens d’amour, de miséricorde et d’intendance de la création guident nos actions et nos choix de vie, vers un avenir plus durable et équitable

 

A Fremont