L’Église d’Autun auprès des éleveurs et des agriculteurs
Le P. Jean-Noël Devillard, vicaire épiscopal du diocèse d’Autun, a écrit une lettre aux prêtres et diacres concernant le projet pastoral dont il est chargé en direction des éleveurs et agriculteurs de la région.
Cette lettre fait suite au Synode qui s’est clos en novembre 2017. Elle appelle à la constitution d’équipes qui prépareront les visites de l’évêque du lieu auprès des agriculteurs.
Aux doyens, aux curés, aux diacres et à leurs épouses, aux vicaires épiscopaux. A tous les prêtres du diocèse.
Chers frères,
Permettez-moi revenir plus largement sur le projet diocésain auprès des éleveurs et agriculteurs du diocèse. Il s’agit de se donner les moyens opérationnels pour que notre Église Diocésaine soit proche de ces familles d’éleveurs, d’agriculteurs, qui entretiennent les terroirs et paysages de notre diocèse, produisent ce qui est nécessaire à une alimentation saine des populations (du local-à l’international), en renonçant le plus rapidement possible à une utilisation de produits potentiellement dangereux pour la planète (Air, eau, terre, végétaux-animaux et humains).
Dans cette période de grande mutation et de crise économique, sociale (problème de trésorerie : prix et revenus souvent inférieurs au SMIC) environnementale, morale, familiale, spirituelle, un accompagnement spécifique est nécessaire. La Chambre d’agriculture, la MSA, les syndicats et diverses organisations agricoles y sont très attentifs et sensibles, avec créativité. Les suicides d’agriculteurs, 1 tous les 2 jours en France, sont un symptôme d’un monde malade et sous perfusion (à des degrés variables selon les filières, les modes de production de commercialisation, de gestion). Les causes en sont multiples : économiques, burn-out, familiales et affectives (solitude), morales, spirituelles. Dans le prolongement de notre tradition diocésaine de solidarité et du récent synode diocésaine, notre évêque confie explicitement à la diaconie, de vivre dans le cadre des équipes que vous allez créer au plus prés du terrain, dans vos doyennés, la mission de proximité, d’accompagnement des personnes ou familles en difficultés, sans se substituer à l’action des différents organismes concernés (MSA-Chambre d’Agriculture-banques etc..) mais en complémentarité avec leur mission originelle.
Concrètement ceux qui se coltinent au quotidien « à la sueur de leur front » la transition écologique, ce sont bien les agriculteurs et éleveurs. Deux exemples : les agriculteurs français sont numéro un pour la réduction des médicaments vétérinaires dont les antibiotiques, (17 % en 5 ans). D’autres pays européens dans la même période ont augmenté l’utilisation de médicaments de 10 %. Second exemple, il existe de nombreuses recherches et essais pour diminuer et supprimer l’utilisation de glyphosate et cela dans un plan pluriannuel appelé « Contrat de solution » avec 35 organisations agricoles et organismes de recherche impliqués.
Au plan spirituel, plus que tous, vous savez comment toute notre tradition biblique puise dans les thèmes très enracinés dans l’agriculture, l’élevage, la ruralité… Le Créateur…Les récits de la création…Les Psaumes de la création… Les thèmes autour de la Vigne, des semences et des moissons, des relations entre le berger et le troupeau etc. Avec « Laudato Si », plus que tous, vous savez comment les questions environnementales sont non seulement à envisager au plan scientifique, politique, éducatif, mais ils ont une dimension spirituelle évidente (au moins pour nous). Le monde à respecter, à réparer et aimer est UN, tout à la fois, terre, mer, eau, végétaux, animaux et humains.
Le projet est bien de se donner les moyens de rejoindre éleveurs et agriculteurs, de dialoguer, de rassembler, de communiquer, de proposer des choses simples : repas des éleveurs, fête des agriculteurs, célébration, marches, pèlerinage, rencontres…toute initiative locale jugée utile. Dans ce contexte le projet veut permettre à ces familles d’éleveurs et d’agriculteurs, de boire à la source de la Parole de Dieu, (que beaucoup aujourd’hui ne connaissent plus, (ou n’ont jamais connu). Beaucoup ont conservé des racines chrétiennes, porteuses de sève évangélique. Concrètement, Que Faire ?
La première chose, que vous auriez à faire, avant fin octobre 2018, (6 mois paraît une échéance raisonnable) c’est de créer une petite équipe « opérationnelle » dans chaque doyenné rural ou semi rural, avec, si possible présence d’un prêtre, d’un diacre et de 2 couples d’éleveurs ou agriculteurs « actifs », dont un de moins de 4O ans. Vous prendrez les conseils de sagesse et d’audace de qui vous voulez. Ceci avec toute la souplesse nécessaire. Si certains doyennés sont trop vastes et qu’il vous apparaît plus opportun de faire 2 équipes en raison des trop grandes distances pas de problèmes. Si vous jugez plus judicieux d’appeler 3 couples..pas de problèmes. Si l’aspect « couple » vous paraît impossible ou trop compliqué à gérer, appelez des hommes et des femmes (et pas seulement des couples) …On ne va pas commencer par de la rigidité. L’essentiel est bien de créer une équipe qui soit « opérationnelle » capable de vigilance, d’initiative et d’efficacité sur le terrain.
Ceci nécessite que la question soit abordée dans vos doyennés avant fin juin. Sinon le calendrier sera difficile à tenir. Si vous le souhaitez, je suis à votre disposition pour vous aider, vous soutenir et accompagner. Je voudrai rencontrer assez vite personnellement les vicaires épiscopaux.
Dans la 1 ère quinzaine de novembre, je prendrai l’initiative de faire se rencontrer ces équipes, de façon pragmatique et opérationnelle, soit au plan de tout le diocèse, soit en 2 ou 3 lieux (Val de Saône- Val de Loire ?) pour qu’elles se connaissent et s’approprient le projet.
Un mot rapide sur une 2ème étape qui viendra vite …Les visites pastorales de l’évêque au cours de l’année 2019, seront dédiées non pas aux paroisses en tant que telles mais auprès du monde des éleveurs, pour encourager, « ratisser plus large », encourager, fortifier, donner une dimension diocésaine… Les moyens sont à inventer depuis la visite à la ferme à des repas d’éleveurs, célébrations, bénédictions etc. Peut être qu’on pourrait faire se croiser des visites de terroir, dans vos doyennés, et des rencontres par filières : « viande » « lait » « avicole » « caprine » « maraichère », ou rencontre de réalités « émergentes » : vente à la ferme, circuits courts, chambres d’hôtes, « agriculture bio raisonnée » « labels » « AMAP » etc. ou de grosses structures coopératives de commercialisation (ex : FEDER- Charolais HORIZONS-…)
Ceci sera à mettre au point au 4ème trimestre de cette année. Bénir Dieu pour ses dons. Lui demander de nous bénir. Il y a toute une réflexion à faire autour des Bénédictions et des Rogations. Ce ne sont pas des « gris-gris », ni de la superstition. Mais une démarche de foi à faire. Bénir Dieu. Reconnaître tout ce que Dieu nous donne à travers sa création…La terre, L’eau, le soleil, l’Air, les climats, les terroirs, les savoirs faire hérités des générations passées, les organisations locales, européennes, internationales… Oui, il y a de quoi louer et remercier Dieu de tout le bien qu’Il nous fait… Et il y a de quoi Le prier, Le supplier de nous éclairer pour trouver le « juste chemin » face à toutes les difficultés à affronter ; nombreux sont les loups et les lions qui rodent cherchant qui dévorer, et semer la désolation dans les familles, les professions, villages, filières.. Il y a de quoi Le prier pour garder le « cap » de la vocation d’éleveur, de père de famille, de producteur de nourriture de qualité, d’énergie propre…pour assumer nos responsabilités dans le respect, la protection, la réparation, l’amour de toutes les créations : d’abord les humains, la famille, la profession, les moins chanceux, mais aussi l’eau, la terre, les paysages, les végétaux, les animaux…
Oui, il y a vraiment de quoi, appuyés sur la tradition, renouveler et actualiser dans le monde du 21ème siècle, le contenu et les rites, de telle sorte que cela ait du sens. Je suis prêt à travailler cela, avec des partenaires, si je trouve des volontaires. Et je suis preneur de toutes vos idées, que je ne manquerai pas de diffuser et restituer.
Dernière chose : J’ai l’intention de mettre dans le coup les monastères. La plupart ont une expérience de jardinage, voire de gestion d’une ferme, et en même temps par « vocation » une vie de contemplation, de prière, de foi, en lien avec ces réalités humaines. Non seulement je voudrais leur demander de porter dans leur prière, ces réalités humaines et ces projets de notre Église diocésaine, mais aussi de leur demander de faire part de leur expérience de culture, de consommation, de commercialisation, de foi et de prière.
Je compte sur votre collaboration déjà pour cette 1ère étape – déterminante- pour constituer ces équipes dans les doyennés. Merci à vous. Prions Dieu les uns pour les autres et pour ces familles d’éleveurs et agriculteurs et les organisations agricoles.
A quoi le P. Devillard rajoute un article de synthèse sur l’agriculture française du journal Ouest France, et une demande pour créer du lien avec différents acteurs chrétiens du monde agricole. Il rajoute aussi des extraits du document final du Synode.
Extraits du livre du Synode
« Nous tenons à affirmer que notre Eglise se veut pleinement solidaire du monde d’aujourd’hui, dont elle fait partie » (Page 27) « Notre terre est vulnérable. Protection et sauvegarde de notre planète, dont nous ne sommes pas propriétaires, constituent un devoir en pensant aux générations futures. Nous voulons prendre notre part d’écologie intégrale » dont parle le Pape dans Laudato Si. Son appel vibrant pour la création malmenée rejoint celui du frère démuni » ! (page 29) |