Il faut que les consommateurs résistent aux produits « premiers prix »
Opinion de Léonie Varobieff,étudiante en philosophie,Claire Harpet,ethnologue et Antoine Andremont, médecin, publié dans le journal La Croix du 14 septembre 2015.
« Les éleveurs crient leur désespérance. Le prix du porc est trop bas, ils ne peuvent plus vivre. Les acheteurs se tournent vers l’étranger, Bruxelles les assassine, le gouvernement ne les soutient plus. En même temps, on les accuse d’élever leurs animaux dans des conditions concentrationnaires, de les bourrer d’antibiotiques pour pallier au manque d’hygiène, de proposer de la viande de mauvaise qualité, qui plus est contenant des bactéries résistantes.
Ils ont une part de responsabilité. Ils ont participé à un système qui remplit les étals à bas prix plutôt que de jouer la carte de la qualité et de la modération. Mais dans le contexte agro-industriel actuel, avaient-ils le choix ?
Nos élevages sont artificiels et violents. Les premières victimes sont les animaux, considérés comme des objets. Maintenant c’est le tour des éleveurs. Quant aux citoyens, ils oscillent entre manger plus de viande à bas prix, vendue comme si elle venait de petites fermes champêtres, et la crainte constante pour leur santé.
Après vache folle et grippe aviaire c’est la crise de l’antibiorésistance qui fait rage, témoignant du dépérissement du système. Alors que la grande distribution se fait un devoir de proposer des produits sûrs, les microbes résistants invisibles pourraient à nouveau nous rendre sérieusement malades. Les éleveurs et leurs proches, au contact direct des animaux, en sont d’ailleurs les premières victimes.
Les antibiotiques surutilisés en élevage tuent même les bactéries qui nous sont utiles, les abattoirs tuent les porcs sans aucune considération, le système tue lentement les éleveurs. Un comble dans un pays où le cochon est depuis des siècles un pilier des habitudes alimentaires ! La fragilité des élevages n’est pas économique. L’élevage est fragile car les vivants n’y sont pas considérés. À travers la complainte économique c’est en fait le découragement face à une violence multiforme que les éleveurs expriment. »
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